Les RSN, dans ce qu’ils ont ouvert comme possibilité de démocratie participative et de liberté d’expression offrent des opportunités merveilleuses. Les IA génératives sont des outils fantastiques pour permettre à celles et ceux qui ne maîtrisaient pas la syntaxe, la grammaire, l’orthographe ou encore le style, de pondre un texte en une fraction de minute, sans même prendre le temps de le penser ou de le digérer : une idée et hop ! la voilà aussitôt transformée en texte, en contenu, en produit diffusé, déversé, vomi et parfois viral, si celui ou celle qui en est l’auteur est riche de suiveurs – « followers » – , de fans ou de groupies.
La profusion et la frénésie étaient déjà là avant les réseaux et les IA. Puis, le progrès ne va pas sans travers, dit-on – cf. illectronisme, saturation cognitive, infobésité, désinformation, fakes news, etc.
Cependant, suis-je la seule à être saturée par ce bruit, ce vacarme du flux incessant de gens – dont je suis – qui s’expriment sur tout et rien pour exister, bien souvent professionnellement ? Suis-je la seule à être saturée de cette obligation d’exister en permanence sur les réseaux sous peine de disparaître, sanctionnée par les algorithmes – si tant est qu’on les ait jamais compris ? Suis-je la seule à ne plus avoir envie de savoir ce que tout le monde pense à chaque nanoseconde ? Suis-je la seule à être lasse d’être obligée de trier parmi la masse d’informations lesquelles possèdent des sources fiables ? Suis-je la seule à me dire que les réseaux sociaux passeront et seront remplacés par une autre mode ou un autre engrenage ? Suis-je la seule à me dire que je deviens réac’ parce que je me dis que les gens qui n’ont pas de réseaux sociaux mais simplement des relations humaines IRL sont plus heureux ? Suis-je la seule à éprouver cette indignation face à l’opportunisme du tout venant et des partis qui s’emparent des causes des plus démunis pour faire du buzz et s’attirer la sympathie des électeurs ou abonnés, tout en alimentant le système qu’hypocritement ils conspuent, dans le seul but de vendre ? Je dirais que non mais en réalité qu’importe.
Voici venu le moment de mener une action silencieuse, de retrouver le plaisir de penser sans me sentir obligé de m’exprimer, de poster, d’exposer. L’envie de retrouver ce temps de la pensée en gestation qui ne se hâte pas de mûrir pour éclore, pour s’évanouir l’instant d’après dans l’anonymat virtuel et la violence de cette société qui surproduit, surconsomme et consume l’humain.
Pas de grande disruption au programme, qui aurait pour prétention de bouleverser l’ordre établi, pas même de subversion dans l’effacement ou l’absence. Il n’est pas non plus de désobéissance civile, sinon le choix d’exercer mon droit à ces plaisirs proscrits par les heures consuméristes qui nous enjoignent à vendre, à consommer, à être productifs et toujours efficaces. Je choisis de changer de positionnement et de me concentrer sur mes projets professionnels puis, de donner davantage de place à l’écriture, à la lecture qui m’ont toujours accompagnée et nourrie. Je choisis de me vautrer dans l’otium, dans la lenteur, la douceur, le silence et l’invisibilité. Je choisis de continuer de travailler à faire sens, dans l’éthique qui s’accorde avec mes valeurs et la satisfaction de bien faire.
Finalement, il s’agit peut être tout de même de résister, même s’il est vrai que résister suppose souvent une action visible, une confrontation, un acte de courage exposé, bref, quelque chose qui s’agite et fait du bruit.
Eh bien, une fois n’est pas coutume, je choisis la résistance par soustraction, je choisis de ne plus alimenter la machine, pour un jour, pour deux semaines, pour trois mois ou pour toujours (à suivre).
Néanmoins, nécessité alimentaire faisant loi, je reste joignable par mail ou par téléphone pour tout projet passionnant. Puis, je continuerai de m’exprimer à mon rythme sur ce site, sans désormais me préoccuper de savoir si je suis lue, vue, comprise, aimée ou ignorée.
Alter_nativement vôtre,
Emmanuelle